n° 77 - 2013
Le secret professionnel (partagé)
Selon la loi, les professionnels qui sont dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, n’ont pas le droit de les partager. Au-delà des exceptions prévues par la loi, le secret partagé est pourtant aujourd’hui bien ancré dans la pratique de nombreux professionnels. Comment dès lors ce partage s’opère-t-il ? Quelles règles formelles ou informelles se donnent les professionnels ? Quelles informations sont partagées, avec qui et pour quels motifs ?...
Le numéro 77 Le secret professionnel (partagé) n’est plus disponible, mais certains articles de ce dossier sont disponibles à la vente en PDF.
Éditorial
De nombreux intervenants dans le secteur psycho médico-social sont tenus au secret professionnel. Cette obligation est inscrite dans l’article 458 du code pénal belge et de sévères sanctions sont prévues pour ceux qui ne la respecteraient pas*. Citons ici trois des principaux fondements de cette loi. Tout d’abord, le secret professionnel garantit le respect de la vie privée tel que prévu dans la constitution belge et différentes conventions internationales. Ensuite, il est le ferment de la relation de confiance que le professionnel établit avec la personne aidée afin de la soigner, l’aider, l’accompagner au mieux dans la résolution de ses difficultés. Enfin, le secret professionnel est là pour garantir à l’intervenant un minimum d’autonomie, notamment par rapport à des instances de contrôle social, mais aussi de créativité dans ce qu’il va proposer de mettre en oeuvre avec la personne aidée.
Si le principe du secret professionnel est établi et acquis, et son importance démontrée, il n’en reste pas moins que dans la pratique, les informations à propos des personnes aidées se transmettent, s’échangent, se partagent, au-delà des exceptions prévues par la loi, telles que l’obligation de porter assistance à personne en danger. Ce partage est parfois de l’ordre du spontané ou commis de bonne foi, avec l’intention de bien faire ou de faire ce qu’il faut. Il peut ne pas avoir d’incidence ou être effectivement profitable à la personne mais, sauf cas d’exception, il peut rester suspect aux yeux de la loi, ou, s’il n’est pas réfléchi, provoquer une rupture de confiance, un malaise, des jeux de pouvoir avec la personne aidée, comme chez les intervenants... A l’heure des réseaux, des partenariats et autres collaborations, le partage du secret professionnel dépasse cependant aujourd’hui largement le cadre individuel. Il fait partie des réalités de nombre d’associations et de services qui travaillent en équipe pluridisciplinaire. Le partage d’informations constitue d’ailleurs une condition d’agrément et de subvention de certains services : plannings familiaux, centres de santé mentale, centres PMS, etc. Il est prévu dans différents codes de déontologie et organisé dans divers protocoles d’accord intersectoriel**. Une doctrine, née des vécus, expériences, réflexions et cas de jurisprudence, a aussi vu le jour et abouti à l’édification d’une série de balises qui donnent un cadre et des limites au partage d’informations, dans une société où, soulignons-le, la « transparence » est parfois valorisée à l’excès.
Ce dossier sur le secret professionnel partagé a été réalisé à partir d’une journée d’étude organisée par l’asbl CEDS (Centre d’études et de documentation sociales) avec le soutien du département des Affaires sociales de la Province de Liège***. Ceux qui étaient présents à cette journée trouveront les textes des orateurs conviés à cet échange mais aussi beaucoup d’autres textes originaux qui complètent le corpus, afin de permettre à chacun de réfléchir sur ses pratiques de partage d’informations et de les affiner, peaufiner, car les questions sont nombreuses et les réponses pas toujours évidentes. Partager demande de la vigilance, de la méthodologie, du recul, de l’éthique. Il n’est pas question de tout dire, à n’importe qui, n’importe comment, ni surtout de taire à la personne dont on parle ce qui est dit à son propos. Est nécessaire un travail de transformation, de filtre, de sécrétion dont plusieurs témoignages rendent utilement compte dans ce dossier.
*Voir en annexe, à la fin de ce dossier, le contenu de l’article 458 du code pénal, ainsi que des articles 458bis et 422bis, fixant des exceptions majeures au caractère obligatoire du secret professionnel. Voir aussi le premier article de ce dossier, écrit par J-F. Servais.
**Voir dans ce dossier l’article de M. Noël, portant sur les différents protocoles d’accord inter-sectoriels dans lesquels s’est engagée la direction de l’Aide à la jeunesse.
***Ce dossier reprend les interventions de J.-F. Servais, S. Thunus, Cl. Meerseman, I. Müller, J.-M. Lemaire, V. Lino & O. Rocks, S. Bodson, orateurs invités à cette journée d’études, organisée le 30 septembre 2013 et inaugurée par K. Firquet, Députée en charge des Affaires sociales de la Province de Liège. (www.provincedeliege.be/fr/ceds)
Sommaire
– Balises juridiques du secret professionnel partagé - Jean-François SERVAIS
– Du secret professionnel au secret professionnel partagé : approches sociologiques - Sophie THUNUS
– La sélection, la transformation et la circulation de l’information - Jean-Marie LEMAIRE
– Secrets et confidences avec les MENA - Anne-Laure LE CARDINAL
– Le secret professionnel des CPAS en question(s) - Marie-Claude THOMAS-LODEFIER
– Le devoir de discrétion des aides familiales au domicile - Nicolas PIETTE
– ANNEXE : Secret professionnel et exceptions majeures dans le Code Pénal belge
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« Maman, je suis parti aider le peuple syrien ». Quand des mères mettent leur vécu au service de la lutte contre l'embrigadement jihadiste
retour au sommaire du n°86 "Radicalisme violent. Comprendre, prévenir au-delà de l’urgence" Auteur(s) : Interview par Romain Lecomte de Saliha BEN ALI, Responsable de l’ASBL S.A.V.E. Belgium Dominique BONS, Présidente de l’association « Syrien ne bouge...Agissons » (France) (…)