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n° 120 - 2024

Faire place à l’usager

La place des usagers dans l’intervention sociale a connu d’importantes évolutions ces dernières décennies, marquée par une transition vers un modèle plus collaboratif et participatif, où l’écoute des besoins et des singularités des personnes accompagnées est au centre des préoccupations. Les usagers deviennent des partenaires dont l’expertise est reconnue et l’avis pris en compte. Mais les obstacles à franchir pour tendre effectivement vers ce nouveau paradigme sont nombreux et réclament une vigilance constante de la part des professionnels.

Éditorial

Au cours des dernières décennies, la place de l’usager dans l’accompagnement social et dans les rapports aux professionnels et aux institutions a connu d’importantes évolutions.

Jusqu’alors, l’intervention sociale s’appuyait traditionnellement sur une relation entre professionnels et usagers très verticale et teintée de paternalisme. Les premiers étaient considérés comme les seuls experts, les uniques détenteurs du savoir qui étaient en mesure de décider ce qui était bon pour les personnes accompagnées, vues alors comme des bénéficiaires passifs, réceptacles de l’aide ou des soins.

Ce modèle, sous l’effet de diverses évolutions (développement de l’individualisme et des droits des individus, démocratisation, critiques croissantes des institutions…), a peu à peu fait place à une approche plus collaborative. Basée sur l’écoute des besoins, difficultés et histoires singulières de chacun, elle favorise la participation active et l’autonomie des usagers. Désormais, ceux-ci sont présentés comme des « personnes concernées » ou des « partenaires », dont l’avis doit être pris en compte et l’expertise reconnue, aussi bien dans l’accompagnement individuel que dans l’organisation des institutions ou même dans la construction des politiques publiques. Quant aux professionnels, ils deviennent des accompagnateurs dont le rôle premier est de soutenir les personnes dans leurs choix et aspirations et de les aider à franchir les diverses barrières qui se mettent en travers de leur chemin. Ce nouveau paradigme s’est incarné à la fois dans la formalisation ou le renforcement de nombreux droits des usagers et dans la mise en place d’une multitude d’initiatives et dispositifs. Que l’on pense à la généralisation des projets ou plans d’accompagnement individualisés, au développement des méthodes basées sur la théorie de l’empowerment ou du pouvoir d’agir, au recrutement de pairs-aidants ou experts du vécu, ou encore aux conseils d’usagers et autres formes de consultation collective.

Mais malgré ses effets positifs déjà bien palpables dans les pratiques, cette approche se heurte encore à de nombreux obstacles et limites. Si certains freins sont inhérents à des missions spécifiques ou mandats (par exemple, l’aide sous contrainte) ou encore aux vulnérabilités ou fragilités de certaines catégories d’usagers, d’autres sont davantage le produit de rigidités institutionnelles et d’orientations politiques. Plusieurs contributeurs pointent à cet égard les restrictions budgétaires, la surcharge de travail administratif, la place croissante du numérique… Mais aussi l’instrumentalisation et le dévoiement de la participation et de l’autonomie par les politiques d’activation, par les approches « qualité » qui confondent les usagers avec de simples clients ou encore par des consultations d’usagers servant de faire-valoir à des orientations décidées en amont.

Il est donc essentiel que les acteurs de terrain demeurent conscients et vigilants face à ces obstacles et contradictions, et continuent de tendre, autant que possible, vers ce nouveau paradigme qui place l’usager au centre, comme l’ambitionnent les différentes initiatives mises en avant dans le présent dossier.

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