n° 80 - 2014
Le corps dans l’intervention (psycho)sociale

Le corps occupe une place centrale dans l’intervention (psycho)sociale. Pourtant, dans le travail mené auprès de nombreux publics, cette place demeure implicite, parfois taboue. Ce paradoxe est d’autant plus interpellant que le corps, dans notre société "postmoderne", n’a jamais été autant exposé, mis en scène et fantasmé dans l’espace public : médias traditionnels, réseaux sociaux, rue, … Il suscite par ailleurs une attention sans précédent de la part des politiques publiques, dont la promotion de la santé demeure cependant trop restrictive et normative.
Éditorial
Le corps occupe une place centrale dans l’intervention (psycho)sociale. Cette place y demeure cependant rarement explicitée. Ceci nous a d’autant plus incités à prendre à bras-le-corps cette question complexe, dans l’approche transversale qui nous est chère.
Dans les relations qu’ils établissent avec leurs publics, les professionnels (psycho)sociaux ne mobilisent pas seulement le langage verbal et des savoirs cognitifs, ils engagent aussi d’une manière ou d’une autre leur corps et leurs capacités sensorielles. Leur corps peut être explicitement mobilisé en tant qu’outil de travail ; c’est le cas par exemple des comédiens-animateurs en théâtre-action, des psychomotriciens ou encore des praticiens en massage sensitif auxquels, entre autres, ce dossier donne la parole. Dans bien des cas, leur engagement corporel dépend cependant d’un savoir pratique peu voire pas du tout formalisé et reconnu en tant que tel. C’est également cette « intelligence » des corps en (inter)action que nous allons interroger.
Dans les deux cas, les travailleurs (psycho)sociaux sont fréquemment confrontés à des corps en difficulté. Des corps touchés par le handicap ou la vieillesse mais aussi des corps déshabités, déréglés, surinvestis, malmenés ou encore se voyant infliger des privations par leurs propriétaires. Nous porterons ainsi notre attention sur les perturbations du rapport au corps rencontrées chez des publics variés (personnes toxicomanes, anorexiques, victimes d’abus sexuels, sans domicile fixe, prostituées, etc.) et aux réponses mises en œuvre par les professionnels.
L’intervention (psycho)sociale est par ailleurs aux prises avec des personnes issues de milieux populaires qui, sans nécessairement présenter des troubles psychiques et corporels spécifiques, tendent à entretenir un rapport essentiellement instrumental avec leur corps, consacrant peu de temps et d’efforts à l’écouter et à en prendre soin. La « santé » est dans ce cadre avant tout perçue comme l’absence de maladie et les signes avant-coureurs de celle-ci sont négligés. Enfin, le travail psycho(social) mené, avec et sur le (rapport au) corps des bénéficiaires (sport-aventure, sophrologie, socio-esthétique, etc.), peut constituer un outil, un moyen pour intervenir sur des problématiques telles que l’isolement social et la perte d’estime de soi.
Tout ce travail autour des corps est rendu d’autant plus complexe qu’il prend place dans une société où l’image et les représentations fantasmées d’un corps jeune, svelte, « beau » sont omniprésentes dans l’espace public, dans les médias, dans la publicité, etc. Une société marquée par l’individualisme où la construction et l’expression de son identité personnelle s’appuient plus que jamais sur l’apprêtement de son corps, sur son exposition et sa mise en scène, sur les réseaux sociaux notamment…
Sommaire
La démultiplication des corps dans un monde
hypermoderne - Elisabeth TISSIER-DESBORDES
Des corps en mouvement sur prescription
médicale - Sandrine KNOBÉ, William GASPARINI
Soigner les corps dans une société de l’autonomie - Nicolas MARQUIS
Le rapport au corps, outil pour le travail avec
les personnes sans-abri - Pierre RYCKMANS
Bas seuil, corps et toxicomanie - Alain
ROZENBERG (Article PDF en vente)
La psychomotricité : une intervention au coeur
du lien social - Jean-Pierre YERNAUX
Snoezelen, un monde en quête de sens par la
sensorialité - Marc THIRY
HORS DOSSIER (rubrique COUP D’OEIL) :
Les conséquences de la pauvreté sur les parcours scolaires des jeunes francophones - Ariane BAYE
Vitalité de l’émotionnel dans l’agir collectif - Joëlle LIBOIS
- 4 numéros qui se suivent
- Prix préférentiel au numéro
- Frais d’envoi gratuits !
- n°113 | Quel accès à l’emploi pour les publics plus fragiles ?
- n°112 | Quand il y a urgence
- n°111 | L’usager au centre des réseaux
- n°110 | Numérique : quels risques pour les usagers plus fragiles ?
- n°109 | Quelle équipe ? Les ingrédients, les forces, les difficultés...
- n°108 | Accompagner vers et dans le logement
- n°107 | Monoparentalité, une situation qui réclame attention
- n°106 | Le social sous la pression du Covid /2
- n°105 | Le social sous la pression du Covid /1
- n°104 | Vulnérabilités & avancée en âge
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TO PIIS or NOT TO PIIS Les paradoxes de l'injonction à l'autonomie
retour au sommaire du n°88 "L’autonomie en tension" Auteur(s) : Abraham FRANSSEN Sociologue, Université Saint-Louis, Bruxelles Résumé : S’inscrivant dans le référentiel de l’Etat social actif, le « Projet Individuel d’Intégration social » (PIIS), désormais obligatoire pour tous les bénéficiaires du (...)
