n° 79 - 2014
Le quartier comme territoire d’action sociale
Les pouvoirs publics soutiennent aujourd’hui avec force une gestion sociale territorialisée, centrée sur les quartiers fragilisés et promouvant la transversalité, les partenariats publics-privés et l’implication des citoyens. Comment, dans ce cadre aux effets contrastés et qui est à la fois source de subsides et de contraintes, les travailleurs sociaux agissent-ils pour rencontrer les habitants, les mobiliser, se compléter sans entrer en concurrence, faire naître des projets communs, tirer profit d’un territoire souvent stigmatisé...
Éditorial
Depuis deux décennies, à l’échelle belge comme européenne, les pouvoirs publics soutiennent avec une insistance grandissante des politiques sociales territorialisées, centrées sur des quartiers marginalisés et promouvant la transversalité, les partenariats publics-privés et l’implication des citoyens. Ces politiques, largement cristallisées autour des concepts de « cohésion sociale » et de « mixité sociale », s’inscrivent dans un nouveau référentiel d’action publique dont les enjeux et les effets sont analysés dans ce dossier.
Si ce nouveau cadre politique renforce et influence le travail social tel qu’il se déploie aujourd’hui dans les quartiers, cela n’empêche pas les travailleurs sociaux de s’en saisir et de se le réapproprier, voire de le moduler en fonction de leurs propres culture et logique d’action. Ainsi, comme en témoigne la seconde partie de ce dossier, le quartier constitue un terreau d’activités multiples et variées qui partent des besoins et expériences des personnes, qui s’appuient sur les ressources de chacun. Du tissu social et associatif local naissent des réseaux de solidarité irréductibles aux dispositifs formalisés de coordination insufflés « par le haut ».
Mais ces travailleurs sociaux, confrontés au quotidien à l’exclusion sociale, ont également conscience de la position délicate dans laquelle ils se trouvent, et des paradoxes avec lesquels ils doivent composer. Ils sont contraints de « gérer » à travers des dispositifs territorialisés, locaux, une exclusion sociale qui résulte en large partie de facteurs socio-économiques globaux. Et tout en promouvant la « normalité » des quartiers marginalisés dans lesquels ils opèrent, auprès de leurs habitants comme à l’extérieur, ces travailleurs sociaux se savent partie prenante de dispositifs de discrimination territoriale positive qui, en surinvestissant les quartiers de services d’action sociale en tous genres, sont susceptibles d’alimenter le stigmate de quartiers et d’habitants « spéciaux » et « à problèmes »…
Outre la nécessité d’articuler ces politiques territorialisées à des politiques plus structurelles, opérant en profondeur et sur le long terme sur les effets de la crise et favorisant notamment l’accès à la formation et à l’emploi, différentes contributions de ce dossier appellent à favoriser la « mixité sociale » non pas tant à l’échelle restreinte des quartiers marginalisés – ce qui tend au final à activer des mécanismes d’exclusion des habitants les plus démunis au profit de nouveaux venus plus aisés (gentrification) – qu’au sein d’un territoire plus étendu et intégré. Il convient en effet de favoriser, comme tentent déjà le faire avec des moyens trop limités les travailleurs sociaux, les échanges inter-quartiers, et plus généralement d’insérer davantage les quartiers marginalisés dans la ville ou le territoire communal, de promouvoir la mobilité de leurs habitants pour qu’ils aient accès à des mondes sociaux et des services (sociaux, économiques, culturels, scolaires, etc.) plus variés et moins concentrés.
Sommaire
– Le travailleur associatif : un expert (du) local - Sabrina SINIGAGLIA-AMADIO
– L’intégration sociale grâce à la mixité sociale ? - Doris SFAR
– Qu’est-ce que la gentrification ? - Mathieu VAN CRIEKINGEN
– La jeunesse face à des politiques sociales à la dérive - Jean BLAIRON
– Mille lieux de vie (AMO), un travail communautaire dans les quartiers - Patricia VALEPIN (interview)
– Le quartier comme outil thérapeutique - Gery Paternotte et Fabienne DEPIERREUX (interview)
HORS DOSSIER (rubrique COUP D’OEIL) :
– Rapprocher les habitants d’un même quartier. Le fonds Delhaize encourage la convivialité - Ariane BAYE
– Le plan hivernal, l’arbre qui cache la forêt ? Le CPAS de Charleroi s’interroge sur les dispositifs Hiver- Colette LECLERCQ
– Pauvreté en Belgique. Annuaire fédéral 2014 - Colette LECLERCQ
– Améliorer l’accès aux soins des populations plus vulnérables - Colette LECLERCQ
- 4 numéros qui se suivent
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- Frais d’envoi gratuits !
- n°120 | Faire place à l’usager
- n°119 | L’intégration, l’affaire de tous
- n°118 | L’indispensable collectif
- n°117 | Où va le métier d’éducateur ?
- n°116 | Devenir parent. Quand tout n’est pas rose
- n°115 | Jeunes "incasables" - Comment mieux travailler ensemble ?
- n°114 | Nouveaux visages de la précarité & inégalités grandissantes
- n°113 | Quel accès à l’emploi pour les publics plus fragiles ?
- n°112 | Quand il y a urgence
- n°111 | L’usager au centre des réseaux
titre
Les besoins primaires : la partie visible d'une détresse plus grande
retour au sommaire du n°84 "Besoins primaires dans un contexte d’opulence" Acheter le pdf Auteur(s) : Interview par Romain Lecomte de Christine MAHY, Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté Premières lignes : Dans notre pays, tous les jours, il y a (…)