n° 23 - 1999
ÉPUISÉ : Ce n° n’est plus disponible Les jeunes & leurs drogues
É P U I S É !
D’un côté, il y a les jeunes et de l’autre, il y a les produits, tous les produits, les permis, les socialement admis, les trop diabolisés, les autorisés, les trop banalisés, les trafiqués et ceux qui passent inaperçus... Inutile de faire l’autruche, la rencontre est inévitable, certaine ; la réaction, quant à elle, dépendra de l’histoire de chacun. Sera-t-elle négative, furtive, récréative, révélatrice, troublante, dangereuse...? Ce dossier invite à revoir nos définitions "qu’est-ce que la toxicomanie ?" et à revisiter nos conceptions "qu’est-ce qui fait basculer le jeune de la découverte à l’usage, de l’usage à la dépendance ?"
Éditorial
Le dossier s’est construit au fil de lectures et de rencontres, s’attachant à s’assurer pas à pas l’avis de professionnels et plus particulièrement la complicité de trois personnes d’expérience qu’il convient ici de citer et de remercier : Athéna Lazarou d’infor-Drogues, Jacques Van Russelt du Centre Alfa de Liège et Dominique David du Centre prévention de Mons.
Pour éviter de se perdre, le sujet fut rapidement cadré. En voici les balises.
Par jeunes, il faut entendre les 11-15 ans, les adolescents ou peut-être faut-il dire les primo-adolescents, l’entrée dans l’âge adulte ne cessant d’être postposé. Par drogues, il faut entendre toutes les drogues, illicites et licites et l’on peut y inclure la télévision et internet. Il sera cependant surtout fait référence dans les textes au hasch et à l’ecstasy.
En intro
Pierre Géronnez, psychologue au Centre SIDA-Assuétudes de la Province de Namur, nous parle de ces ados et des différents contextes qui créent les circonstances, les moments qui favorisent la consommation.
Mais reprenons point par point.
Les produits et la société
L’alcool et le tabac sont les premiers produits consommés par les jeunes. Pourtant, aux yeux des parents, ils passent pour inoffensifs, acceptables et acceptés puisque autorisés par la loi, cultivés par la tradition... consommés avec plaisir et en toute connaissance de cause par une majorité d’adultes « responsables ». Démonstration par Chris Paulis, anthropologue à l’ULg et confirmation, avec chiffres à l’appui, par Luc Bils, Directeur du Comité de Concertation sur l’Alcool et les autres Drogues.
Il n’empêche. Si l’alcool et le tabac sont en tête du hit-parade, d’autres produits sont aujourd’hui proposés aux jeunes comme le hasch et l’ecstasy, des produits illicites et pourtant très faciles d’accès.
Les ados et la société
Que cherchent ces jeunes ? Que fuient- ils ? Que leur manque-t-il ? L’adolescence correspond à un moment particulier dans la trajectoire d’un individu, un moment douloureux où se jouent toutes les scènes. Le Docteur Masson, Directeur du Département Adolescents de l’ULB, interroge l’adolescence dans le monde d’aujourd’hui et dénonce le manque de repères et d’expériences authentiques.
Les ados, les produits et la société
D’un côté, les jeunes ; et de l’autre, les produits. Inutile de faire l’Autruche. La rencontre est inévitable, certaine ; la réaction, quant à elle, dépendra de l’histoire de chacun. Sera-t-elle négative, furtive, récréative, occasionnelle, révélatrice, envoûtante, décisive...? John, Vervecken, psychothérapeute à l’asbl Transition, nous invite à revoir nos définitions : « qu’est-ce que la toxicomanie ? », et à revisiter nos conceptions : « qu’est-ce qui fait qu’un jeune bascule de l’usage à l’abus, voire la dépendance ? ». Il dénonce : le danger ne vient pas du produit mais du manque de réaction, de l’indifférence, du silence voire de la complaisance de l’entourage.
Christine Renouprez et Marc Chambeau relèvent, au travers de récits collectés dans le cadre d’une recherche commandée par la Plate-forme de santé mentale du Brabant wallon, les circonstances qui ont entouré les premières expériences. Ils pointent le décrochage scolaire, les conflits familiaux, l’avenir incertain, le plaisir immédiat...
Avant de parler de jeunes toxicomanes, il est donc plus juste de parler de jeunes en souffrance, en manque de valorisation, de reconnaissance. Pascale Jamoulle, attachée au Centre de Santé mentale du CPAS de Charleroi conforte cette idée. L’enquête transfrontalière à laquelle elle fait référence et qui avait pour cible les jeunes des quartiers défavorisés, tend à démonter que pour ce public, la drogue passe en second plan ; ce qui leur importe, c’est avant tout d’être accepté, reconnu par la bande.
La prévention est d’abord une question de proximité
Les articles qui précèdent sont autant d’éclairages qui permettent quelques mises au point bien nécessaires avant d’aborder le second volet de ce dossier, à savoir la prévention.
L’équipe de l’AMO, Canal J, ouvre le feu et se lance dans une tentative de définition, de conceptualisation de la prévention. Dominique David du Centre de prévention de Mons, prend le relais pour dénoncer les effets pervers et les pièges à éviter. Jacques Van Russelt, Président de la Fedito, évoque le danger de la confusion des rôles. Enfin, des pistes sont évoquées et l’on revient à cette idée qu’il faut partir des jeunes et non des produits, qu’il faut se préoccuper de leurs souffrances – à se forger une place dans leur famille, à l’école, parmi leurs pairs, dans la société – avant de traquer ceux qui ont ou pourraient avoir des penchants toxicomaniaques.
De l’évitement des conduites à risques à la promotion de la santé, les mêmes mots reviennent sans cesse : dialogue, confiance, espace, communication, relais, respect. Différentes propositions et expériences permettent de mieux comprendre comment conjuguer ces mots dans sa vie, sa pratique de tous les jours : quand on est parent, médecin, enseignant...
L’école est certainement un lieu privilégié pour mener des actions préventives mais il existe d’autres territoires comme celui des mégadancings. Alain Vanthournhout, psychologue attaché à Canal J, nous plonge dans cet univers d’ecstasy où house music et pilules magiques semblent indissociables, et où l’action préventive emprunte essentiellement la voie de BOB, à savoir celle de la réduction des risques.
Cette approche, bien connue, comprise, acceptée par tous ceux qui prônent que « entre boire et conduire, il faut choisir », comporte pourtant de nouvelles interrogations notamment quant à la difficile articulation, au délicat dosage entre prévention et répression.
La répression
Privilégier la répression au détriment de la prévention est une erreur mais l’inverse est également préjudiciable. Alain Boucher d’Infor-Drogues synthétise et commente les lignes forces de la loi de 1921 (modifiée en 1975) et de la directive du 17 avril 1997 qu’il importe de connaître même si on ne travaille qu’avec des mineurs. Mais au fait que risquent ceux-ci ? A l’école ? Dans la rue ? Marie-Sophie Devresse et Christophe Adam, assistants en criminologie à l’ULB, leur donnent le change non sans évoquer ici aussi les limites et les risques de la répression.
En guise de conclusion
Le texte final signé Dominique Bietheres et Catherine Dungelhoeff du Centre Alfa de Liège, loin d’être une conclusion définitive, récapitulatif d’actions efficaces, est une invitation à ce que chacun se positionne en tant qu’acteur de prévention.
« Nous sommes tous consommateurs d’une multitude de produits tant pour accéder au plaisir que pour nous soustraire à la souffrance » et « notre manière de consommer peut influencer la consommation de l’autre ». Nous avons donc tous un rôle à jouer dans une prévention au sens large, prévention qui rime sinon avec bien, avec mieux-être.
C. L.
Sommaire
ADOS, PRODUITS ET SOCIETE
– Consommation des ados : les contextes - Pierre GERONNEZ
– Psychotropes, plaisirs et représentations -Chris PAULIS
– Vacillement des repères chez les jeunes - Antoine MASSIN
– La consommation de substances psychotropes chez les jeunes : enquête - J. BERTRAND, Luc BILS, C. PREUMONT
– Les premières expériences - Marc CHAMBEAU, Christine RENOUPREZ
– Circulation des drogues et réseau de sociabilité de l’économie souterraine - Pascale JAMOULLE
– Devoir d’aide, devoir d’ingérence - John VERVECKEN
PREVENTION
– La prévention : un concept en mouvement - CANAL J
– Effets pervers et pièges à éviter - Dominique DAVID
– Vous vous demandez comment parler de la drogue à vos enfants - Athéna LAZAROU
– Médecin de famille : le chaînon manquant ? - Chistian JACQUES
– La prévention des toxicomanies et des conduites à risques par l’action pédagogique - Nathalie NISOLLE
– La prévention des conduites à risques en écoles secondaires - Marie-Paule GIOT
– Les limites du sécuritaire - Jacques VAN RUSSELT
– Prévention en mégadancings - Alain VANTHOURNHOUT
– Suis-je un outil de contrôle social ? - Alain VANTHOURNHOUT
REPRESSION
– La loi concernant les "drogues" - Antoine BOUCHER
– Les risques du "métier" de jeune : vers une pénalisation plus dure ? - Christophe ADAM, Marie-Sophie DEVRESSE
EN GUISE DE CONCLUSION
– Prévention primordiale, prévention pour tous - Dominique BIETHERES, Catherine DUNGELHOEFF
- 4 numéros qui se suivent
- Prix préférentiel au numéro
- Frais d’envoi gratuits !
- n°120 | Faire place à l’usager
- n°119 | L’intégration, l’affaire de tous
- n°118 | L’indispensable collectif
- n°117 | Où va le métier d’éducateur ?
- n°116 | Devenir parent. Quand tout n’est pas rose
- n°115 | Jeunes "incasables" - Comment mieux travailler ensemble ?
- n°114 | Nouveaux visages de la précarité & inégalités grandissantes
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retour au sommaire du n°96 "Quel travail social dans les secteurs de la santé" Auteur(s) : Interview par R. Lecomte de Chloé DELMOTTE Assistante sociale Service social de Santé Mentale La Pioche Premières lignes : Depuis quarante ans, La Pioche, service de santé mentale (SSM) (…)