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n° 110 - 2022

Numérique : quels risques pour les usagers plus fragiles ?

La numérisation grandissante dans nos rapports aux autres et à la société n’est pas sans danger. Elle renforce la fracture sociale, abandonne les publics plus fragiles sur le chemin de l’accès aux droits sociaux et aux services essentiels. Seul derrière son écran, l’internaute doit se débrouiller avec une technologie qui le dépasse ou l’absorbe, l’exposant à d’autres risques : fake news, harcèlement, endettement, isolement, fausses amitiés, illusions, etc.

Éditorial

Nous sommes entrés dans l’ère du numérique. Les courriels remplacent les courriers, les achats se font en ligne, la vie sociale s’organise à travers les réseaux sociaux, et chaque citoyen semble pareillement connecté et capable de profiter des nombreux avantages et possibilités qu’offrent les nouvelles technologies.

Mais est-ce là la réalité ? Et si effectivement ces technologies ouvrent sur un nouveau champ des possibles, sommes-nous tous égaux et prêts face à celles-ci ? Mesure-t-on bien les changements qu’elles entraînent et qui touchent de manière assez fondamentale les interactions sociales, qu’il s’agisse de communiquer de personne à personne ou d’entrer en contact avec la société, ses administrations et organismes par lesquels passe la solidarité, s’exerce l’égalité ?

Ce dossier met l’accent sur la fracture numérique que subit une part non négligeable de la population, que l’on pense aux personnes précarisées, étrangères, handicapées, âgées, parmi lesquelles nombreuses sont peu à l’aise, réticentes et souvent mal, peu ou pas équipées. Mais il pointe aussi le fait que les services d’intérêt général, publics et privés, considèrent un peu vite que les efforts doivent venir essentiellement des usagers, qu’ils ont à s’adapter, prendre le train en marche ; ou encore que l’accessibilité numérique (24h sur 24, 7 jours sur 7, procédures soi-disant simplifiées) ne remplace pas la proximité, la rencontre réelle, physique avec un interlocuteur en chair et en os, capable d’écoute, d’empathie, d’analyse non strictement binaire. La dématérialisation des services risque de réduire l’humanité du travail social et de réduire l’accès aux droits sociaux, alors que les non-recours ne cessent déjà d’augmenter.

Par ailleurs, au-delà de la fracture sociale, le numérique comporte aussi certains risques qu’il nous semblait utile de pointer dans ce dossier. Ainsi, par le biais des réseaux sociaux, le harcèlement, scolaire notamment, est devenu plus fréquent et plus destructeur. Les arnaqueurs ont envahi ce nouveau terrain de jeu et tablent clairement sur la crédulité des publics moins avertis, plus fragiles, plus seuls. L’anonymat, la visibilité cachée ou décuplée que permet le Net, ouvre de nouvelles voies aux abus et agressions sexuelles. Les extrémistes, les complotistes usent des fake news et profitent des algorithmes pour favoriser la pensée automatique chez leurs futurs suiveurs. Plus simplement, l’hyperconnectivité soulève de nombreuses questions ; certains parlent de nouvelles dépendances, aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo notamment, mais d’autres soulignent qu’à trop diaboliser la technologie, le risque est plutôt de passer à côté du mal-être que l’hyperconnectivité peut cacher, et parfois adoucir.

Si ce dossier veut mettre l’accent sur les risques du numérique, en particulier pour les publics plus fragiles, il fait aussi émerger ça et là des initiatives, des utilisations des nouvelles technologies qui témoignent de leurs potentialités pour inventer un renouveau dans la manière de communiquer, de créer le contact mais aussi le rapport au savoir, aux apprentissages, aux autres... ce qui pourrait inspirer un autre dossier de l’Observatoire.

Colette Leclercq & Justine Aerts

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