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n°74

Manque structurel d’emplois et chômage des jeunes : déterminants et effets sociologiques

retour au n°74 "Les 18-25 ans : une catégorie qui pose question"


Auteur(s) :

Georges LIENARD Professeur ordinaire émérite, professeur invité, UCl, CIRTES (Centre Interdisciplinaire de Recherche Travail, Etat et Société)


Résumé :

A partir des prévisions 2013-2017 en emploi et en chômage, on montre le manque structurel d’emploi en tant que cause première du chômage. Dans ce cas, trois mécanismes agissent pour créer notamment chez les jeunes peu qualifiés, le précariat : inadéquation des qualifications, déqualification en cascade, appariement sélectif. Pour conclure, vu l’urgence de lutter pour l’emploi et vu les rapports de force actuels, quelques propositions sont mises en débat.


Mots-clés :

Manque d’emploi, précariat, mécanismes sociaux, emploi, formation


Extrait :

(...) On constate que le manque de dynamique de création d’emplois (en Wallonie, on passe de 1.369.500 emplois en 2013 à 1.398.900 en moyenne entre 2014 et 2017) et le chômage (en Wallonie, on passe de 276.600 chômeurs en 2013, à 275.900 en moyenne entre 2014 et 2017) demeurent tout au long de la période un problème structurel majeur. Pour faire face à l’emploi des jeunes, il faut diminuer le différentiel des taux de chômage entre les régions qui est, pour la moyenne 2014-2017, de 7,7 points de pourcentage entre la Wallonie et la Flandre et de 11,7 points de pourcentage entre Bruxelles et la Flandre. L’ampleur du problème et du défi s’accroît car la Fédération Wallonie-Bruxelles devra mener les politiques concernant les actions pour l’emploi et la diminution du chômage en tenant compte que la réforme de l’Etat (décidée fin 2011) prévoit une dotation de solidarité financière (entre Belgique et régions) pleine et entière jusque 2024 et ensuite dégressive d’année en année entre 2025 et 2034 inclus. Enfin, l’objectif 2020 pour la Belgique (donc les régions) est de 73,2% de taux d’emploi en 2020 pour la population de 20 à 64 ans. Cela implique, à population active constante4, d’ici à 2020, la création de 230.000 emplois en Wallonie et de 105.000 emplois à Bruxelles5. Le problème structurel de manque d’emplois est donc premier par rapport à la responsabilité personnelle des chômeurs.

Ce manque structurel d’emplois a des effets sociaux importants notamment la fabrication d’un précariat social à cause de la dégradation de l’emploi non qualifié, du temps partiel contraint, de l’extension des contrats à durée déterminée, du chômage de longue durée et des travailleurs pauvres. Cela concerne les personnes de plus de 45/50 ans mais surtout les jeunes peu qualifiés, dont les femmes jeunes et les personnes d’origine immigrée hors Union Européenne.

Quels sont les processus sociaux qui sont à l’œuvre ?

Dans ce type de période structurelle, les mécanismes sociaux décrits par H. Devillé* fonctionnent de façon puissante. « Le premier mécanisme attribue les évolutions du taux de chômage à une augmentation structurelle de l’inadéquation entre les qualifications demandées et offertes sur un marché du travail fortement segmenté. Ce mécanisme appelé inadé- quation ou distorsion de qualification conduira à des tensions sur le marché du travail malgré la persistance d’un chômage global important par manque de mobilité des travailleurs à travers les segments de qualification. Le second mécanisme attribue les évolutions du taux de chômage à une insuffisance généralisée de la demande de travail accompagnée d’un effet d’éviction des travailleurs non-qualifiés par les travail-leurs qualifiés en considérant une plus grande mobilité à travers les segments de qualification du marché du travail. Ce mécanisme de déqualification en cascade ou de sur-éducation appelé effet d’échelle ou « job competition » conduira les travailleurs qualifiés sans emplois à postuler dans des segments de qualification inférieurs à leur segment et à occuper un emploi dont la qualification requise est plus faible que le niveau de qualification qu’ils ont acquis ». A ces deux processus démontrés par H. Devillé, s’ajoute dans la société du capitalisme financier à but de profit intensif et à compétition, un troisième mécanisme relié et ren- forçant les deux autres : l’appariement sélectif. L’appariement sélectif est le résultat d’une dynamique des entreprises où les meilleurs professionnels de tous niveaux et de divers métiers se regroupent selon leur degré d’excellence et développent des avantages et des privilèges qui leur seront propres et qui ne se répercuteront plus – en dégradé et endéans quelques années – sur les travailleurs qui se situent hors des meilleurs référentiels. (...)

* H. Devillé décrit comment ces mécanismes fonctionnent dans la région de Bruxelles en fonction des niveaux de diplôme et de la conjoncture économique. Devillé H, (2008) « Le chômage bruxellois entre inadéquation de qualification et déqualification en cascade. À propos de la nécessité de combiner les politiques sélectives et globales de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale », Brussels Studies, Numéro 14, 21 janvier 2008, www.brusselsstudies.be

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