n°75
Des fins de carrière au prisme des temporalités
retour au sommaire du n°75 "Le vieillissement actif : à quelles conditions ?"
Auteur(s) :
Nathalie BURNAY UNamur - Université catholique de Louvain (UCL)
Résumé :
Si la question des fins de carrière est aujourd’hui à l’agenda politique, elle est souvent traitée en fonction de paramètres macroéconomiques ou démographiques. L’enjeu de cet article est de montrer combien cet important enjeu sociétal peut également être réfléchi à partir des vécus des seniors, et notamment à partir de la construction de leur rapport au temps. D’une analyse centrée sur les travailleurs âgés, c’est tout un questionnement normatif qui émerge et qui porte sur la transformation des temps sociaux d’aujourd’hui.
Mots-clés :
Fin de carrière, temporalités, discrimination, valeur travail
Extrait
(...) L’ère industrielle s’est construite sur un découpage des âges de la vie en trois périodes : la jeunesse comme âge de formation, l’âge adulte consacré à l’activité professionnelle et la retraite comme âge de repos après un dur labeur. Ces trois temps possédant leur logique propre, ont construit nos existences, structuré nos quotidiens. Plus encore, ils ont défini nos politiques sociales en instaurant des droits et des devoirs aux citoyens en fonction de seuils d’âge, largement inspirés de ce découpage. Prenons l’âge de la retraite fixé à 65 ans qui définit encore aujourd’hui légalement l’âge où l’activité professionnelle s’arrête. Prenons les allocations familiales qui définissent à 25 l’âge maximum des études.
Cette forme de standardisation des parcours de vie demeure opérante aujourd’hui, les âges de la vie continuent d’être structurés pour la plupart d’entre nous sur cette répartition en trois temps. Cependant, on constate de plus en plus que de véritables brèches pénètrent nos horizons temporels et déstabilisent le modèle. Les âges de la vie se font plus mouvants et la formation continue apparaît comme un exemple intéressant d’interpénétration d’un temps dans l’autre : la formation s’introduisant dans le temps professionnel. On pourrait multiplier les exemples, avec des étudiants travaillant pour payer leurs études, des retraités suivant des formations...
La fin de carrière n’échappe pas à ce processus de déstandardisation où, certes, l’âge légal de la retraite demeure fixé à 65 ans, mais où effectivement le cadre se dérégule : en 2009, en Belgique, le taux d’emploi des 55-64 ans atteint seule- ment 35.3% alors que la moyenne de l’Union Européenne est de 46% (Eurostat, 2010). Le seuil d’âge fixé par le législateur doit donc être pensé par rapport à ces statistiques, sachant que ce même législateur participe à la dérégulation depuis près de 40 ans en proposant des dispositifs de sortie prématurée du marché de l’emploi. Citons le système des prépensions qui a longtemps servi de dispositif pour tenter de juguler les désastres sociaux nés des processus de restructuration ou de fermetures d’activité. (...)
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