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n°63

Les éducateurs sur l’échiquier des professions

retour au n°63 de la revue l’Observatoire : "Educateurs spécialisés : spécificité & formation"


Auteur(s) :

FRANSSEN Abraham

Docteur en sociologie. Professeur de sociologie aux Facultés universitaires Saint Louis & Directeur-adjoint du Centre d’études sociologiques - Membre de l’Institut de recherches interdisciplinaires sur Bruxelles (IRIB)


Mots-clés :

Educateurs - action éducative - professionnalisation - institutionnalisation - formation - statut de l’éducateur


Extrait :

De fait, relativement peu organisés et mobilisés professionnellement ou syndicalement, occupant une position subalterne, statutairement et salarialement, parmi les acteurs institués des secteurs de l’aide à la jeunesse et aux personnes handicapées, subordonnés aux pouvoirs/savoirs des autorités mandantes, de leur hiérarchie et des « professionnels universitaires » (psys, médecins, sociologues), partagés entre des intérêts contradictoires (fidélité à l’institution, ou aux autres éducateurs travaillant dans des contextes parfois très différents, identification aux usagers dont ils partagent la permanence au long cours dans l’institution), stratifiés en différents niveaux de formation, les éducateurs ont souvent – on pourrait même dire structurellement – le sentiment d’être dépouillés de leur parole, d’être sans voix légitime sur la définition même de leur métier, au point que l’« indicible » et l’« invisible » en viennent parfois à être des caractéristiques revendiquées.

Sans doute peut-on également y voir une des sources du succès des analyses et discours critiques (foucaldiens, bourdivins...) parmi les éducateurs, et de manière plus large parmi les travailleurs sociaux : « Ce n’est pas un hasard si les travailleurs sociaux se sont largement associés à la dénonciation de leur fonction supposées d’agents de contrainte sociale. Ils y trouvèrent à la fois le moyen de s’affirmer comme corps professionnel et de celui de gagner en émancipation par rapport à leurs autorités de tutelle » (Donzelot, 1998).

C’est au regard de ces catégories de classement que l’on peut comprendre la « longue marche » des éducateurs en vue de leur reconnaissance comme groupe professionnel : du « scandale de Saint Hubert » qui, dans les années 50, a servi de détonateur à la mise en place d’une formation spécifique des éducateurs à la publication en 1996 au Moniteur belge de la loi sur le statut de l’éducateur, en passant par la structuration – mais sans unification – du champ de la formation des éducateurs, les débats sur la reconnaissance des « titres » et la permanence des « niveaux » (1, 2, 3), la revendication de la mention d’« Educateur spécialisé », les conflits sur la « revalorisation du non-marchand », les références idéalisées au « modèle québecois », ... autant de jalons partiels qui témoignent de l’espoir, en bonne partie encore contrarié, d’une rédemption par le titre, le statut, la reconnaissance professionnelle. […]

[Mais] Même inabouti, le mouvement de professionnalisation des éducateurs, et de manière plus générale du travail social, a ainsi accompagné et permis le développement d’une institutionnalisation progressive de l’aide éducative et sociale, tout au long du 20e siècle.

Parallèlement au développement du tronc central de la sécurité sociale et de ses différentes branches, on observe une extension continue des domaines d’intervention du travail social et éducatif au fur et à mesure de la problématisation et de l’institutionnalisation des besoins sociaux. Résultat de cette extension continue de leurs lieux d’intervention, on retrouve des éducateurs dans les institutions les plus diverses. Si les secteurs de l’aide et de la protection de la jeunesse d’une part, celui des personnes handicapées d’autre part constituent les principaux secteurs d’emploi des éducateurs, on retrouve également ceux-ci dans l’animation socio-culturelle (animation de quartier, maisons de jeunes...), le scolaire et, depuis une quinzaine d’années, dans les multiples dispositifs de prévention urbaine.

Et pourtant, complémentairement et transversalement à cette structuration progressive d’un champ de prise en charge de plus en plus spécialisée des populations définies ou reconnues comme déficientes et/ou déviantes, une mutation de fond s’est imposée ces deux dernières décennies, bousculant les fondements même de l’action éducative et redéfinissant en profondeur la place des éducateurs. Nous pointerons ici trois dimensions de cette mutation : autonomisation et individualisation, légitimation relationnelle et interpersonnelle, travail en réseau.

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