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n°70

L’Art thérapie et la restauration de l’estime de soi

Article issu du n°70 - L’Art peut-il être utile au Social ?


Auteur(s) :

SASSE Kristine SASSE

Art-thérapeute, Psychothérapeute, Artiste et Formatrice, Bruxelles (palettedarts yahoo.com)


Extrait :

(...)

Objectifs et publics de l’Art thérapie

Les objectifs en Art thérapie sont aussi nombreux que les publics : le développement de l’estime de soi pour les adolescents comme pour les adultes de tous âges blessés de la vie, victimes de violence ou de carences dans l’enfance, le maintien de leur autonomie, de leur goût de vivre, pour les personnes âgées et dépendantes en maisons de retraite ou de soins, l’ancrage dans le réel pour les personnes psychotiques, l’accompagnement lors d’un deuil ou suite à un choc traumatique, l’aide face à un syndrome dépressif pour les personnes déprimées, l’aide à la socialisation et l’accompagnement de personnes fragilisées (dépendances à l’alcool,...) etc.

Nombre de personnes souffrant d’une mauvaise estime d’elles-mêmes sont mises en échec par la parole ; l’Art thérapie est alors particulièrement indiquée pour ces personnes :

• celles qui ont du mal à « trouver les mots » ; beaucoup d’adolescent(e)s ont une communication verbale intense mais superficielle, avec peu de mentalisation et d’introspection, ni de verbalisation des maux eux-mêmes,

• les personnes qui souffrent de sentiment d’abandon présentent fréquemment une intolérance à la frustration et supportent souvent mal les silences de la psychothérapie ou de la cure analytique.

• les personnes âgées en souffrance ou celles atteintes de maladies neurodégénératives ont besoin de valorisation autant que d’aide, d’encouragement et de plaisir dans une activité non cognitive qui les rendent toutefois « capables de »,

• les personnes qui ont subi des traumatismes demeurent souvent silencieuses ; parler de leur expérience traumatique est une nouvelle souffrance et obliger cette parole une autre violence1,

• les personnes d’origine étrangère sont systématiquement mises en difficultés par un langage verbal qui n’est pas dans leur langue maternelle. L’expression des sentiments et des émotions au travers d’échanges avec une personne inconnue n’est pas familière dans certaines cultures, par exemple en Asie,

• les personnes qui ont une faible estime d’elles-mêmes jugent leur parole sans valeur et n’ont pas l’envie ou l’habitude de communiquer verbalement. Le plaisir de parler de soi, plaisir pour d’autres si présent - sinon le stimulant de leur thérapie - est totalement absent.

L’Art thérapie utilise la médiation d’une activité artistique et donc n’avive pas de front les frustrations, traumas, handicaps ou problèmes existants. Ainsi, une personne en souffrance ou maltraitée n’aura pas à évoquer directement ses blessures. Celle avec des troubles cognitifs n’aura pas à parler. Thérapie cependant profonde, car elle peut atteindre ce qui est vécu de façon intime et non consciente, ce qui est ressenti et vécu bien au-delà des mots.

L’art, moteur de la thérapie

L’Art thérapie utilise l’art comme médiateur mais encore et surtout comme moteur de la thérapie. L’art s’inscrit dans la quête de bien-être de l’être humain. Finalité sans fin, selon l’expression de Kant2, l’activité artistique a cependant le pouvoir de donner un sens, une inscription dans le temps et dans l’espace. Elle est indissociable de la notion de projet. Il n’y a pas d’action artistique sans une intention, puis sans un début, une durée, une fin, un lieu inscrit dans l’espace (l’œuvre peut être un dessin de deux minutes sur un coin de mur ou le plafond de la chapelle Sixtine). Source de projet elle est ainsi source de vie auprès de personnes souffrant de syndromes dépressifs.

Pour le docteur en psychologie et artiste M. Csikszentmihalyi3, l’art fait partie des expériences recherchées par l’homme, qui donne un sens non seulement à la vie mais à l’évolution de l’espèce. L’Art thérapie, pour sa part, utilise ce potentiel dans une activité gratifiante pour la personne qui souffre d’une mauvaise estime d’elle-même. Sans être artiste, celle-ci reçoit le plaisir sensoriel de l’acte artistique et son émotion immédiate. L’art permet de retrouver les sens avec une justesse de l’utilisation du corps et de la pensée. Même si ce plaisir est « archaïque » ; André Franquin, créateur belge de bande dessinée déclare ainsi : « Je gomme énormément. J’ai toujours aimé les gommes pour crayon. Il y a une sensualité, là, c’est un peu comme le lobe d’une oreille. Je suis « gommomane ».4 C’est l’exploitation de cette quête sensorielle et esthétique qui permet éventuellement à la personne de se dépasser, de s’exprimer, d’aller au-delà de ses potentialités, de s’épanouir, d’aller mieux…, comme en témoignent de nombreuses expériences auprès des publics précités.

Mais le développement de l’estime de soi n’est pas le fruit d’une opération magique qui serait l’acte artistique. Il existe une limite à cette approche : la démarche de l’art-thérapeute est toujours personnalisée, en Art thérapie comme en médecine. Chacun réagit différemment et le mieux-être n’obéit pas à une règle automatique : une musique, un chant, une peinture, toute expérience artistique est vécue et appréciée en fonction de ce qu’est la personne à un moment donné. L’art-thérapeute est cependant un des rares intervenants de l’équipe paramédicale qui voit la personne agir. Celle-ci ne dit pas ses douleurs, elle ne communique pas verbalement ses souffrances. La personne « agit », elle devient auteur de son propre développement. L’enjeu est d’utiliser au mieux cette extraordinaire opportunité pour permettre vraiment à la personne d’être l’acteur de son mieux-être.

(...)

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