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n°73

Stratégies de prévention, modèles conceptuels & évidence scientifique

retour au n°73 "Quelle prévention du suicide ?"


Auteur(s) :

Dr. Evelien COPPENS Leader du projet de LUCAS, KU

Dr. Gert SCHEERDER Chercheur senior de LUCAS, KU Leuven

Prof. Dr. Chantal van AUDENHOVE Directrice de LUCAS, KU Leuven


Résumé :

Le suicide constitue au jour d’aujourd’hui un des problèmes les plus importants de notre société occidentale. Selon les chiffres de l’OMS, 815.000 personnes se sont suicidées dans le monde en 2000. Cela équivaut à un taux de mortalité de 14,5 par 100.000 habitants, ce qui place le suicide à la treizième place des principales causes de mortalité. Au niveau européen, le taux est un peu plus élevé (19,1 par 100.000 habitants) et le suicide est la septième principale cause de mortalité. Ces chiffres démontrent l’urgence à développer des plans d’action visant à réduire ce phénomène, qui, toujours selon les estimations de l’OMS, risque d’aller en s’accentuant. Cet article donne un aperçu : (1) des facteurs sous-jacents qui mènent au suicide et aux tentatives de suicide, (2) des stratégies de prévention mises en place dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée, (3) des modèles conceptuels de prévention les plus couramment utilisés, (4) des recommandations de l’OMS pour un plan national de prévention du suicide et (5) des plans d’action multi-niveaux construits sur base de l’évidence scientifique.


Mots-clés :

Facteurs de risque, seuil critique de passage à l’acte, politique de prévention, plan national de prévention, stratégies de prévention, évidence critique, modèle conceptuel, recherche scientifique


Extrait

(...) Un comportement suicidaire résultant de la combinaison de plusieurs facteurs, il importe de mener des politiques de prévention qui agissent à différents niveaux et permettent d’une part, le renforcement des facteurs rehaussant le seuil du passage à l’acte et, de l’autre, la diminution des facteurs de risque et des facteurs abaissant ce seuil (Mann et al., 2005 ; Scheerder, 2009).

Il importe également que ces politiques soient traduites en stratégies ou interventions complémentaires dont l’efficacité a déjà été prouvée par une recherche scientifique solide.

Dans cette partie de l’article, nous aborderons les stratégies les plus utilisées, classées selon le degré d’évidence empirique disponible. Nous distinguons ainsi : • les statégies ou interventions efficientes dont l’efficacité a été prouvée à plusieurs reprises à l’aide d’un repeated randomized trial design (d’une recherche randomisée et contrôlée), • les stratégies ou interventions prometteuses : leur efficacité est certaine mais elle n’a pas encore été mesurée de manière suffisamment répétée, • enfin, les stratégies ou interventions pour lesquelles il y a un manque de preuves : celles-ci semblent efficaces, mais il y a pour l’instant un manque de recherche scientifique de qualité qui permettent de l’attester.

Exemple de stratégies efficientes

Le développement des compétences des médecins généralistes

Les troubles psychiques, et plus particulièrement les plaintes psychologiques, sont les facteurs de risque les plus déterminants pour le suicide. Former les médecins généralistes afin d’améliorer le diagnostic et le traitement de la dépression semble ainsi une stratégie de prévention efficace (Van Audenhove et al., 2007).

Diverses études confirment d’ailleurs que le développement des compétences chez les médecins généralistes amène à : (1) plus de connaissance et d’expertise en ce qui concerne la dépression, (2) une attitude plus positive vis-à-vis de la dépression, (3) de meilleures compétences pour détecter la dépression et la traiter de manière adéquate, (4) et, enfin, une plus grande tendance à conseiller des traitements non-médicamenteux (van Os et al., 2002).

La formation intensive des médecins généralistes a également un effet positif sur les patients (van Os et al., 2004).

L’étude ‘Gotland’ est la recherche la plus connue démontrant l’efficacité de la formation des médecins généralistes. Tous les médecins généralistes de cette île suédoise ont participé à un programme de formation de deux jours. A côté d’une amélioration du diagnostic et du traitement de la dépression, l’intervention a également mené à : (1) une diminution du nombre de dépressions rapportées, (2) 50% moins d’hospitalisation pour dépression, (3) une augmentation du nombre de patients souffrant de grave dépression dirigés vers des centres de santé mentale spécialisés, (4) 50% à 80% plus de prescriptions pour des antidépresseurs et (5) 60% moins de suicides dans les deux années qui ont suivi (Rutz, 2001).

Deux études de réplication, effectuées dans une autre ville suédoise et en Hongrie, ont également démontré que le renforcement des compétences chez les médecins généralistes aboutissait à moins de suicides et un plus grand usage d’antidépresseurs (Henriksson & Isacsson, 2006 ; Szanto et al., 2007 ; Zonda & Lester, 2006).

Remarque importante, il semble cependant que les effets positifs du développement des compétences ne soient souvent que de courte durée et dépendent fortement du type de formation (Tiemens et al., 1999). Les directives et formations qui ne font que transmettre des connaissances sont moins efficaces que les programmes de formation qui font usage d’une approche complexe et éclectique (Gilbody et al., 2003a ; Gilbody et al., 2003b). Les bons programmes sont ceux qui : (1) enseignent des connaissances et des compétences adaptées à la pratique clinique et aux expériences des médecins généralistes, (2) corrigent le comportement des médecins vis-à-vis de la dépression et (3) introduisent des changements organisationnels (HEN, 2004 ; Howe et al., 2006). (...)

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